La norme ISO 50001 tient-elle toujours ses promesses?

Lu en quelques minutes
Par Maria Lazarte
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Après ses cinq premières années de service, la norme ISO 50001 est en cours de révision. Alors que la norme sur le management de lʼénergie, qui véhiculait tant de promesses pour un avenir énergétique propre, entre dans cette nouvelle étape, le moment est venu de se poser la question: « Quels ont été ses résultats jusquʼà présent ? »

« Lʼannée dernière, le monde a établi deux nouveaux records : les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables nʼont jamais été aussi élevés et, pour la première fois, plus de la moitié des nouvelles capacités de production dʼélectricité du monde provenait de sources propres. » Ces paroles sont celles du Président américain, Barack Obama, lors dʼune allocution vidéo à lʼoccasion de la réunion ministérielle sur lʼénergie propre (CEM) de 2016 à San Francisco, aux États-Unis.

Ça, cʼétait la bonne nouvelle, mais le Président Obama a aussi prévenu que nous nous approchons dʼun seuil alarmant au niveau des températures mondiales. « Nous devons accélérer notre transition vers les énergies propres de demain », a-t-il averti en attirant lʼattention sur la Conférence des parties (COP21) sur le changement climatique de lʼan dernier à Paris où, avec 19 autres pays, les États-Unis ont annoncé un nouvel objectif visant à doubler leurs recherches sur les énergies propres au cours des cinq prochaines années.

Le monde est prêt pour le changement. En septembre 2016, le Président chinois, Xi Jinping, est entré dans lʼhistoire en ratifiant lʼAccord de Paris convenu lors de la COP21, un geste suivi par les États-Unis – les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. Toutefois, lors de la CEM, M. Obama a reconnu quʼil sʼagissait dʼun objectif que les gouvernements ne peuvent pas atteindre seuls. Les chefs dʼentreprise ont un rôle à jouer. Toutes les sociétés peuvent, en effet, dans leurs activités quotidiennes, apporter leur précieuse contribution à lʼenjeu énergétique. Et cʼest encore mieux lorsque ces actions ont un impact positif sur les résultats financiers des entreprises.

Le Président américain, Barack Obama, le Président chinois, Xi Jinping, et le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, à la clôture d’une manifestation sur le climat, en septembre 2016, à West Lake State House, Hangzhou, Chine

Un outil stratégique

Les avantages dʼISO 50001 sont doubles. Dʼune part, elle peut aider à réduire nos émissions de dioxyde de carbone (CO2). Lʼadoption accrue de cette norme pourrait en effet signifier une réduction des émissions de CO2 équivalente au retrait de la circulation de 215 millions de véhicules particuliers dʼici 2030. Dʼautre part, lʼadoption de la norme est aussi avantageuse pour les entreprises puisque lʼon prévoit des économies dʼénergie de USD 600 milliards (62 exajoules) pour la même période.

Il nʼest dès lors pas surprenant que nombre de pays voient en la norme ISO 50001 un outil stratégique pour parvenir à un avenir énergétique durable et lʼintègrent à leurs politiques énergétiques. Les gouvernements prennent dʼailleurs les devants, en adoptant des abattements fiscaux, en favorisant lʼaccès aux financements pour la recherche et en prévoyant dʼautres mesures dʼencouragement pour inviter les entreprises à y avoir recours. La CEM, par exemple, a débouché sur une initiative visant à atteindre « 50 001 certifications » selon ISO 50001 dʼici 2020.

Tout le monde y gagne

Le soutien est indéniablement là, mais cinq ans plus tard, la norme sʼest-elle montrée à la hauteur ? En premier lieu, intéressons-nous à ce quʼest la norme ISO 50001, et surtout, à ce quʼelle nʼest pas. À lʼépoque où les travaux sur la norme ont débuté, en 2008, la gestion de lʼénergie nʼétait plus un concept révolutionnaire. Le monde avait réalisé que « oui, nous avons besoin dʼénergie », mais le changement climatique et la limite des réserves en combustibles fossiles faisaient de la durabilité une priorité absolue.

Plusieurs pays ayant déjà mis au point leur propre norme de systèmes de management de lʼénergie, il était urgent de disposer dʼune Norme internationale unique répondant aux besoins dʼentreprises de plus en plus mondiales. La norme ISO 50001 offre aux organismes un cadre destiné à intégrer lʼefficacité énergétique à leurs activités quotidiennes. Les orientations quʼelle fournit peuvent aider à obtenir des ressources pour garantir la continuité et la résilience des activités, à sʼadapter aux changements, à faire face à la volatilité des prix de lʼénergie et à se préparer pour les énergies non conventionnelles et intermittentes.

Mais, par-dessus tout, la norme ISO 50001 permet à chaque organisation dʼagir. « Évoluant dans un monde dʼincertitudes, les entreprises ne peuvent contrôler les prix, les politiques gouvernementales ou lʼéconomie mondiale, mais elles peuvent améliorer la façon dont elles gèrent lʼénergie », explique Roland Risser, Président du comité technique ISO/TC 242 sur le management de lʼénergie qui a élaboré la norme. « Les bénéfices sont évidents : une meilleure utilisation des ressources et des actifs, et une réduction des coûts et de la consommation. Sans oublier lʼavantage supplémentaire de montrer au monde entier quʼelles participent à faire une planète plus durable. Tout le monde y gagne. »

Une culture de lʼefficacité

Power plants

Les chiffres le prouvent. Cummins, une société active dans la production dʼénergie, a économisé plus de USD 3 millions en utilisant ISO 50001. La société chimique coréenne LG Chem a, quant à elle, réduit sa consommation énergétique de 10 % et ses frais de USD 9 millions. Ce ne sont que deux exemples parmi tant dʼautres expériences similaires aux résultats impressionnants.

Par exemple, un programme mené par le Département de lʼÉnergie aux États-Unis a démontré quʼISO 50001 a non seulement augmenté les économies dʼénergie, mais que les établissements lʼutilisant se sont montrés plus performants de 65 % que les autres. Et cela ne vaut pas que pour les pays développés : au Mexique, le Programme national pour lʼutilisation durable de lʼénergie (PRONASE) devrait permettre des économies de 25 % au niveau de lʼélectricité et de 37 % pour le gaz naturel sur deux ans.

Au cours des cinq premières années dʼexistence dʼISO 50001, on a systématiquement enregistré des économies de 5 % à 30 % des coûts énergétiques existants. La société brésilienne de production énergétique WEG a été parmi les premières entreprises à adopter la norme dans son pays. « La gestion de lʼénergie avait du sens », a expliqué João Alfredo Silveira, Directeur du Département de la formation et du perfectionnement chez WEG. « Nous avions déjà fourni des efforts pour avoir du matériel efficace, donc, pour nous, le plus grand bénéfice dʼISO 50001 a été dʼaider notre personnel à prendre conscience de lʼimportance des économies dʼénergie à toutes les étapes. La norme nous a permis de mettre en place une culture de lʼefficacité énergétique. »

Dans le cas de WEG, le personnel participe entièrement à la réussite. Pour que la gestion de lʼénergie fonctionne, il faut que les salariés croient à ce qui est accompli. « Il faut dʼabord clairement définir les politiques, les procédures et les objectifs, quʼil faut ensuite renforcer par des formations et des qualifications. Cela fait, cʼest votre personnel qui fera bouger les choses », conclut M. Silveira. Et le pari a été gagné : WEG a enregistré une réduction de sa consommation électrique de 17 % dans les laboratoires dʼessai et de 13 % sur les lignes de production.

Le plus simple possible

Si la conclusion qui sʼimpose est quʼISO 50001 fonctionne, le moment est venu de déterminer ce qui doit encore être amélioré à lʼheure où la norme entame sa première révision périodique. Pour Roland Risser, le plus grand défi est de veiller à ce que la norme reste facile à utiliser et directe. « Elle est simple. Elle est souple. Elle porte ses fruits. ISO 50001 a bien fonctionné jusquʼà présent parce que les organismes savent quʼils ne sʼengagent pas dans une procédure fastidieuse. »

Évidemment, cela ne signifie pas quʼelle ne doit pas être révisée, continue-t-il. « Alors que la norme doit franchir cette nouvelle étape, nous devons nous assurer que nous nʼajoutons que des nouveaux éléments qui déboucheront sur de vrais résultats à moindres coûts. Cʼest le seul facteur qui continuera de motiver les organisations à adopter la norme ISO. »

Un des changements que M. Risser entrevoit dans sa nouvelle édition est une meilleure intégration des normes ISO 9001 et ISO 14001. « Cʼest une tendance que nous notons avec différentes normes ISO de systèmes de management. Cela implique de moins se concentrer sur les procédures et de rechercher des outils, des termes et des processus communs aux organisations », explique-t-il. « Mais nʼoublions pas que la particularité dʼISO 50001 parmi les normes ISO de systèmes de management est que son amélioration constante se concentre sur un double objectif, à savoir le système de gestion lui-même et le rendement énergétique. »

Selon M. Risser, cʼest pour cette raison quʼISO 50001 est un outil puissant qui aide les pays à honorer leurs engagements pris dans le cadre de lʼAccord de Paris. La norme met continuellement les organisations au défi dʼéconomiser davantage dʼénergie tout en veillant à ce que ces gains se maintiennent dans le temps. Même des établissements disposant de programmes dʼefficacité énergétique avancés peuvent encore compter sur une amélioration de 10 %, voire plus, après la mise en application dʼISO 50001.

Le monde, notre avenir

Electric charging station charging a car

Une autre question qui se posera lors de la révision est la façon dont elle répond aux besoins des pays en développement. Pour João Alfredo Silveira, les plus gros enjeux auxquels sont confrontés ces pays se définissent en termes de concurrence et de productivité. Les efforts énergétiques doivent aider à relever ces défis. Pour les entreprises qui voient déjà les avantages dʼune réduction de la consommation énergétique, ISO 50001 peut les aider à aller plus loin, en harmonisant et en stimulant les efforts. Mais pour celles qui nʼont pas encore franchi le pas, elle peut leur ouvrir les yeux. « Pour WEG, lʼefficacité énergétique est finalement devenue lʼun de ses plus grands avantages concurrentiels », explique-t-il.

Zhou Lu, Vice-président de lʼinstance de certification CTI-Cert en Chine, a aidé de nombreuses entreprises chinoises à utiliser ISO 50001. Il explique que la norme les a aidées à mettre en place une culture de lʼéconomie dʼénergie en interne. « ISO 50001 vous aide à prêter davantage attention aux coûts et aux investissements énergétiques, à réaliser des économies et à vous concentrer sur les compteurs énergétiques et la gestion des données. Il nʼest même pas nécessaire dʼinvestir dans des solutions complexes, il suffit de trouver des façons plus efficaces de mener les activités quotidiennes. Le simple fait de veiller à éteindre la lumière lorsque personne nʼest dans une pièce a des résultats à long terme. »

Selon Zhou Lu, le gouvernement chinois à un intérêt tout particulier à placer lʼefficacité à lʼordre du jour puisquʼelle est devenue essentielle à la durabilité au sein dʼune économie de plus en plus gourmande en énergie. Mais, il y a des obstacles. Les changements ne sʼopèrent pas du jour au lendemain, et certains organismes se montrent parfois impatients. Il est convaincu quʼaccroître la valeur et la reconnaissance de la certification peut conduire à davantage dʼadoptions. « Nous voulons quʼun plus grand nombre de personnes soient sensibilisées à ISO 50001 et lʼutilisent, car elle peut vraiment avoir un impact, pas uniquement pour les entreprises, mais pour notre avenir », conclut-il.

Pour le Président Obama, les enjeux du changement climatique nous concernent tous : « Pour réagir à cette menace avec lʼurgence quʼelle mérite, nous devons agir davantage ensemble. Surtout, nous devons nous faire confiance et nous encourager lʼun lʼautre », préconise-t-il dans son message vidéo. « Il nʼy a quʼune seule façon de résoudre un problème qui nous menace tous et cʼest de travailler tous ensemble. Rien nʼa plus d’importance que le monde que nous laissons à nos enfants. » 


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Elizabeth Gasiorowski-Denis

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