Toutes les cartes en main pour construire un avenir meilleur

Lu en quelques minutes
Par Clare Naden
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Avions et automobiles sont souvent montrés du doigt comme les plus grands pollueurs. Peut-être l’ignorez-vous, mais le secteur de la construction, qui produit les bâtiments dans lesquels nous vivons et travaillons, est l’un des plus polluants au monde. Il peut par conséquent grandement contribuer à la durabilité de notre environnement. Des progrès sont déjà observés dans la bonne direction, mais beaucoup reste à faire.

Responsable de 39 % des émissions de CO2 en 2018, le secteur du bâtiment et de la construction a beaucoup à faire en matière de développement durable. Mais la tâche n’est pas simple. En effet, du fait de la forte croissance démographique au niveau mondial, la consommation énergétique de ce secteur ne cesse de croître : elle a augmenté de 7 % depuis 2010, dont 1 % depuis 2017 [1].

Selon l’Alliance mondiale pour les bâtiments et la construction (GlobalABC), une initiative internationale des Nations Unies œuvrant à l’émergence d’un monde dans lequel les bâtiments seront à émission de carbone nulle, la surface au sol des constructions dans le monde devrait doubler d’ici 2050. Si rien n’est fait pour enrayer cette progression, la demande en énergie de ce secteur pourrait augmenter de 50 % dans le même temps [1].

Le problème, bien sûr, est qu’une grande partie de l’énergie consommée est émettrice de gaz à effet de serre. Or, pour atteindre nombre des 17 Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, qui visent à rendre notre planète durable et vivable, et freiner l’augmentation de la température sur terre à l’origine de tant de catastrophes, il est indispensable de réduire ces émissions.

Un pilier de la société

La contribution du secteur de la construction ne peut cependant être réduite à ses seules émissions. Secteur clé des économies nationales, il offre un fort potentiel de réduction de la pauvreté par le biais des services et des espaces qu’il procure, et surtout des emplois qu’il crée. Du fait des ressources considérables que ce secteur offre, il a un impact direct sur les conditions économiques et sociales des communautés. Il influe sur de nombreux aspects de nos vies, notamment notre santé, notre sécurité, notre bien-être mental et plus encore. C’est un pilier essentiel d’une société durable.

Compte tenu de l’importance socio-économique du secteur, de nombreux efforts ont été engagés pour rendre la construction plus durable. Améliorer la durabilité de l’environnement bâti représente cependant un défi car, tout comme pour des constructions neuves, la rénovation de structures existantes demande du temps et de l’argent. En attendant ces constructions durables, nous avons tous besoin d’un endroit où vivre, travailler, faire des achats et bénéficier de tous les services indispensables à notre existence.

La construction durable est soutenue au niveau mondial par la Norme internationale ISO 15392, Développement durable dans les bâtiments et ouvrages de génie civil – Principes généraux, qui a été élaborée pour répondre à cette problématique. Récemment mise à jour pour refléter les changements intervenus dans le secteur du bâtiment et de la construction, cette norme établit des principes convenus et reconnus au niveau international pour parvenir à la durabilité dans ce domaine. Grâce à la définition d’un langage commun destiné à tous les acteurs du secteur, des concepteurs et fabricants aux organismes de réglementation et aux consommateurs, elle peut servir de base à la communication et à l’élaboration de critères d’évaluation.

Low-angle shot of a vertical garden on a building's façade.

Une approche globale

La durabilité des bâtiments est un enjeu mondial. Lors du Sommet pour le climat organisé par le Secrétaire général des Nations Unies, un engagement a été pris pour parvenir à un secteur du bâtiment neutre en carbone et pour contribuer à hauteur de USD 1 000 milliards aux investissements dans les bâtiments des pays en développement d’ici 2030. À cette occasion, on a assisté à la création de l’Alliance des propriétaires d’actifs pour zéro émission nette, un groupe international d’investisseurs institutionnels qui gèrent au total près de USD 4 000 milliards et se sont engagés à convertir leurs portefeuilles d’investissement à zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050.

Si les initiatives, engagements et mécanismes incitatifs de tout type sont essentiels, il n’en reste pas moins que des outils pratiques sont indispensables pour permettre à chacun de traduire la volonté en actes. Selon Emma Risén, Manager de l’ISO/TC 163, le comité de l’ISO dont les travaux couvrent la consommation d’énergie des bâtiments, les normes ont un rôle vital à jouer dans ce domaine. « Afin d’aller dans la bonne direction, nous devons déterminer notre point de départ et les progrès que nous réalisons. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur des normes convenues à l’échelon international qui permettent de mesurer les divers paramètres d’un bâtiment dont on cherche à réduire les émissions de carbone. »

La famille ISO 52000 est un bon exemple. Elle a été élaborée pour aider les organismes à contribuer à l’objectif zéro carbone en leur permettant d’évaluer de manière globale la performance énergétique des bâtiments. Ces documents normatifs définissent une méthode exhaustive de calcul de l’énergie primaire consommée pour le chauffage, le refroidissement, l’éclairage, la ventilation et l’eau chaude sanitaire des bâtiments. Ils peuvent contribuer à faire avancer la cause de l’efficacité énergétique en rendant possible la mesure des performances des nouveaux matériaux et des nouvelles technologies ou approches en matière de conception, de construction et de gestion des bâtiments.

Close shot of cyclist holding the bike's handlebar in one hand and a smartphone in the other.

Objectif zéro émission nette

De nombreuses organisations internationales se consacrent également à cette cause. C’est notamment le cas du World Green Building Council (WorldGBC), un réseau mondial de sociétés de conseil en bâtiment œuvrant à réduire les émissions de carbone dans le secteur du bâtiment et de la construction d’ici 2050. Cette organisation a lancé le projet Advancing Net Zero, qui vise à accélérer la réalisation de l’objectif zéro carbone par le biais du Net Zero Carbon Buildings Commitment, un engagement qui consiste, pour les entreprises, les services publics et les organisations non gouvernementales du monde entier, à prendre les mesures nécessaires pour la décarbonisation de l’environnement bâti. Les sociétés de conseil en bâtiment membres du WorldGBC apportent des changements au niveau national par le biais d’un certain nombre de mécanismes comme les systèmes de certification, les programmes éducatifs et autres initiatives visant à accompagner le secteur vers la production de bâtiments à zéro émission nette de carbone.

Le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), une association réunissant des dirigeants de grandes multinationales et visant à promouvoir le commerce durable, travaille également à accélérer la transition vers un avenir durable. Son initiative « Efficacité énergétique dans les bâtiments » s’articule autour de l’affirmation suivante : « La consommation d’énergie des bâtiments peut être réduite de 50 % à l’horizon 2030 en s’appuyant sur les meilleures pratiques et technologies actuelles et en prenant des mesures rentables sur le plan économique ». Ce projet repose sur une méthodologie qui associe le secteur privé et les pouvoirs publics locaux dans le but d’assurer la mise en place de politiques et de mesures permettant d’atteindre cet objectif.

La GlobalABC s’efforce également de mettre en place la neutralité carbone dans le secteur du bâtiment, avec pour ambition d’encourager la modernisation des bâtiments existants et de mobiliser tous les acteurs de la construction, qu’ils soient du secteur public ou du secteur privé, dès lors qu’ils sont impliqués dans l’une des étapes allant de la conception à la démolition. Elle met à la disposition des gouvernements et des acteurs du secteur une plateforme leur permettant d’accroître leurs activités tout en gardant à l’esprit les objectifs de zéro émission, principalement dans le domaine des politiques publiques, de la finance ou de l’éducation.

Amener les gouvernements à participer

Les gouvernements jouent un rôle essentiel pour faire avancer la cause du bâtiment durable. Bien qu’il soit certainement possible de faire plus, certains s’efforcent déjà de décarboner le secteur. Des codes de construction sont, par exemple, révisés ou élaborés pour couvrir la performance énergétique des bâtiments, et les programmes de certification des bâtiments à émissions de carbone faibles ou nulles peuvent potentiellement changer la donne pour l’ensemble du secteur.

En 2015, dans le cadre de l’Accord de Paris, 184 pays ont convenu d’annoncer les engagements pris à l’échelon national en matière de climat – les Contributions déterminées au niveau national (NDC) –, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre l’augmentation de la température moyenne de la planète. Certaines des NDC soumises font état de mesures spécifiques relatives à l’amélioration des performances des bâtiments.

Dans l’ensemble, cependant, les améliorations en termes d’efficacité énergétique ne se produisent pas à un rythme suffisant au niveau mondial pour compenser la croissance globale de la demande. L’intégration de la durabilité au processus de construction est traditionnellement dictée par les coûts, liés notamment à la construction, à la transformation et aux ressources. Des investissements supplémentaires sont nécessaires pour améliorer l’efficacité énergétique du secteur du bâtiment. Pourtant, en 2018, on a vu se stabiliser le niveau des investissements. Alors vers quoi peut-on se tourner pour aller dans la bonne direction ?

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Concevoir en gardant la finalité à l’esprit

Le passage à la norme ISO 21931 est un bon point de départ. Cette norme en deux parties propose un cadre général pour améliorer la comparabilité des méthodes d’évaluation de la contribution des ouvrages de génie civil au développement durable. Elle aide les organisations à évaluer leur situation en ce qui concerne leur impact sur l’environnement, et donc à mesurer leurs progrès. Elle constitue un outil utile pour évaluer un projet de bâtiment ou d’infrastructure en mettant en œuvre une méthode commune d’expression des déclarations environnementales de produits.

Ces déclarations décrivent l’impact du projet sur l’environnement, depuis la production des matières premières utilisées jusqu’à leur démantèlement en fin de vie. Cette norme, convenue à l’échelon international, permet une évaluation et des comparaisons justes et précises, et donc une uniformité et une cohérence dans la manière dont les déclarations environnementales de produits sont faites pour les produits et services de construction.

Il ne s’agit pas seulement de mesurer, mais de planifier et d’anticiper, indique Karine Dari, Manager du sous-comité SC 17 de l’ISO, dont les travaux sont axés sur les pratiques durables de génie civil, sous la direction du comité technique ISO/TC 59, Bâtiments et ouvrages de génie civil. De l’avis de Mme Dari, qui est également membre de la GlobalABC, les normes ont un rôle à jouer. « ISO 20887, Développement durable dans les bâtiments et ouvrages de génie civil – Conception pour la démontabilité et l’adaptabilité – Principes, exigences et recommandations, adopte cette approche à long terme. Elle permet aux propriétaires, aux architectes, aux ingénieurs et à toute autre partie intervenant dans le cycle de vie d’un bâtiment, de renforcer sa durabilité, tout en économisant temps et ressources. »

Cette norme vient en aide aux utilisateurs de deux manières. Elle permet d’une part d’allonger la durée de vie d’un bâtiment en intégrant le concept d’adaptabilité, qui permet une reconversion efficace de l’édifice, et d’autre part d’optimiser les ressources au terme de sa durée de vie en facilitant le démontage, la réutilisation, le recyclage et l’élimination des différents matériaux. Il en résulte des émissions de CO2 réduites grâce à une utilisation optimale du bâtiment, des coûts réduits du fait d’une durée de vie allongée et d’une utilisation plus judicieuse des ressources, ainsi qu’une réduction des déchets mis en décharge.

Tourist checks tram schedule on his smartphone as a red tram pulls up.

Le pilier de l’accessibilité

Si les aspects de performance énergétique et de choix de matériaux respectueux de l’environnement sont importants, l’expérience des personnes dans l’environnement bâti est également essentielle à la notion de durabilité. L’accessibilité, par exemple, doit être prise en compte à chaque étape du cycle de vie d’un bâtiment, déclare Eduardo Álvarez, ancien Président du sous-comité SC 16 de l’ISO, Accessibilité et utilisabilité de l’environnement bâti, qui relève de l’ISO/TC 59.

« Un bâtiment bien conçu doit tenir compte de l’accessibilité dès les premières étapes de sa conception. De cette manière, il est possible de réduire au maximum le coût des mesures nécessaires pour garantir l’accessibilité et la facilité d’utilisation, et d’accroître considérablement sa durabilité », explique M. Álvarez. L’universalité est la clé, ajoute-t-il, car toute conception qui facilite l’accessibilité à une personne dans un espace public ne peut constituer un obstacle pour une autre.

Il suggère en outre qu’il existe une relation directe entre l’accessibilité et la sécurité. « Si ce n’est pas sûr, ce n’est pas accessible. Par exemple, si un trottoir est interrompu de manière à faciliter la circulation d’un utilisateur de fauteuil roulant, quel en sera l’impact sur une personne malvoyante ? Et si un signal acoustique est installé à ce passage pour piétons pour tenir compte des personnes malvoyantes, comment cela affectera-t-il les personnes vivant dans un logement à proximité ? »

Des normes telles qu’ISO 21542, Construction immobilière – Accessibilité et facilité d’utilisation de l’environnement bâti, peuvent apporter une réponse à ces questions, car elles établissent une série d’exigences et de recommandations pour de nombreux éléments de construction liés à l’accès aux bâtiments et traitent également d’aspects relatifs à la gestion de l’accessibilité.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les problèmes d’accessibilité concernent plus d’un milliard de personnes dans le monde, soit parce qu’elles souffrent elles-mêmes d’une mobilité réduite, soit parce qu’un membre de leur famille en souffre. Un environnement bâti sûr, sain et contribuant à la durabilité dans le monde est une bénédiction pour tous. Il réduit en effet les émissions de CO2 plutôt qu’il ne les augmente, et permet ainsi à chacun d’entre nous de mieux respirer. Malgré des signes visibles de progrès, il n’est pas certain pour l’instant qu’un tel environnement voie le jour d’ici 2030 et que les cibles des Objectifs de développement durable des Nations Unies puissent être atteintes. Les Normes internationales peuvent néanmoins contribuer à rendre tout cela possible.

  1. International Energy Agency and United Nations Environment Programme, 2019 Global Status Report for Buildings and Construction
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Elizabeth Gasiorowski-Denis
Rédactrice en chef d'ISOfocus